En suivant l’actualité sportive, on voit de plus en plus souvent après une rupture du ligament croisé antérieur les présentateurs tv, parfois l’entraineur, parfois le sportif compter six mois sur ses doigts afin d’évaluer la date de reprise et ainsi conclure que cela va être bon pour les prochains jeux olympiques, coupe du monde… Loin de moi de vouloir détruire des rêves, mais au final, combien dure réellement la récupération après cet accident? Est-on réellement à 6 mois une fois tout les comptes faits ou s’agit il encore d’un fantasme?
D’un point de vue médical, les techniques chirurgicales et les protocoles de rééducation ont progressé ce qui explique les 6 mois annoncés alors qu’il y a encore quelques années, on disait 9 mois. La fixation du ligament à l’os est plus solide permettant une rééducation plus précoce. L’intervention est plus rapide, moins agressive… L’évaluation du patient, de son état musculaire, de son équilibre est meilleure permettant de mieux cibler les axes à travailler. Les techniques de renforcement musculaires, de reprise de la course en gravité diminuée… contribuent à donner raison à ce délai de 6 mois.
Cependant, les progrès de la médecine et la volonté du patient se heurtent à une autre réalité qu’est la biologie humaine. Il faut du temps pour qu’un ligament cicatrise. Il faut environ 1 an pour que le nouveau ligament soit aussi solide que l’ancien. Chaque mois en moins augmente de 50% le risque de rupture du ligament. Une reprise à 6 mois au lieu de 9 augmente donc par 2 le risque de nouvelle rupture. C’est un risque qu’il est logique de prendre s’il est permet de réaliser l’objectif d’une vie tel qu’une participation aux Jeux Olympiques, mais il s’agit d’un pari.
A quelques semaines de la coupe du monde, prenons exemple sur nos footballeurs :
Fékir se blesse avec l’équipe de France le 5 septembre 2015, commence alors la course contre la montre pour l’euro 2016. Il doit subir une nouvelle petite intervention à 6 mois et reprend l’entrainement avec le groupe à 7 mois. Il est titulaire le 13 mai soit à 9 mois mais rate quand même l’Euro. Il enchaîne ensuite une saison 2016-17 moyenne avant de revenir à son plus haut niveau. Sa récupération sera exceptionnelle mais lui aura fait perdre 1,5 ans.
Le milieu de terrain du FC Barcelone Rafinha se blesse le 16 septembre 2015 contre la Roma dans un choc avec Nainggolan. Six mois pile plus tard, il reçoit l’autorisation de s’entraîner avec le groupe pro. Il ne rejoue qu’un mois après, le 6 avril, et se blesse trois jours plus tard. Lors de la saison 2016-2017, il prend part à 28 matches mais se blesse au ménisque du même genou en avril. Il n’a pas rejoué depuis.
Une actualité plus récente avec peut-être une happy-end, Benjamin Mendy se blesse le 23 septembre 2017 avec Manchester City. Sur le plateau de La Chaîne L’Equipe, un ancien sélectionneur national (Raymond Domenech) compte les mois sur ses doigts. Six mois pour rejouer (avril), un mois pour retrouver le rythme (mai), ça devrait le faire… Mendy reprend le 22 avril mais joue peu, 63 minutes en 3 matches avec l’équipe première, suffisant pour être dans la liste des 23 pour la coupe du monde 2018, le rêve de devenir champion du monde se poursuit.
En conclusion, il existe de réelles avancés dans la prise en charge des ruptures du LCA mais les suites restent longues. 6 mois peut être un objectif de base mais il faut avoir conscience qu’une reprise à ce délai augmente le risque de récidive et que de nombreux éléments peuvent venir interférer. Enfin la date de reprise est une chose mais retrouver le niveau de jeu antérieur à la blessure en est une autre. Il faut souvent un à deux ans pour retrouver son niveau de jeu.
A propos de l’auteur :
Chirurgien orthopédique et médecin du sport, le Docteur Julien Even opère les pathologies de la hanche du genou et de la cheville. Il est aussi médecin de l’équipe professionnelle du Paris Football Club.
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